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Suffit de mettre un pied devant l’autre

Par Dominic Roy – le dans Chroniques
Quand j'étais un enfant, j'adorais les contes. De toutes sortes. J'aimais que mes parents me les lisent avant de me coucher. Je me cachais pendant des heures dans ma chambre pour les dévorer. J'étais fasciné. T'aurais dû être là pour voir mes yeux s'illuminer. J'avais un préféré : Le lièvre et la Tortue.

Maintenant, des années plus tard, je dois anesthésier mes pensées pour dormir, pour être capable de ressentir le bonheur lorsqu’il vient me traverser le coeur à coup de pic à glace. J’ai peur d’avancer, j’ai peur de devenir celui que je devrais être. J’ai dû trouver des trucs pour fuir le temps qui passe. Au début, c’était simple, je m’endormais jamais sans un film, une trame sonore, des chansons choisies spécifiquement pour me faire sentir bien. Je te mets au défi de me nommer n’importe lequel des Indiana Jones et je te le récite par coeur sans regarder.

Mais je ne peux y échapper, il semble que la routine et le spleen me poursuivent jusque dans mes rêves absents. Parce que je ne rêve plus depuis longtemps. J’ai oublié comment respirer il y a quelques années déjà. Et pas longtemps après, ce n’était déjà plus suffisant. J’ai vite attrapé tous les vices comme si c’était l’influenza. La cigarette, l’alcool, la drogue, le sexe. Tout pour ne pas me retrouver tout seul avec moi-même. M’offrir un peu de bonheur éphémère, me geler dans le temps qui passe, oublier que ma vie est sur neutre depuis un bon moment déjà.

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Mon problème c’est que je me suis tellement fait répéter, toute ma vie, que j’étais fait pour de grandes choses, que quand celles-ci ne se présentent pas comme prévu, je m’effondre complètement. Aucune résistance, j’ensevelis tout sur mon passage. Ma famille, mes amis, ma copine, les gens qui comptent sur moi et, surtout, pour moi.

Mais l’anesthésie fonctionne. Je me gèle le cerveau à coup de substances apaisantes et de nuits trop longues. À coup de banalité de fin de soirée. Je m’imagine ailleurs qu’ici. Pourtant, je suis ici. Je suis seul. Et je les regarde devant moi, tous ceux qui ont déjà compris que le film de la vie ne se déroule pas comme prévu. Et moi j’avance si peu et ça, c’est quand j’avance pas du tout.

J’en parle pour ne plus oublier.

J’en parle pour les gens qui ont besoin eux aussi de se geler. Je ne parle pas nécessairement de drogue ou d’alcool ; je parle d’évitement. De passer à côté de nos problèmes, les laissant derrière pour mieux qu’ils nous rattrapent éventuellement.

J’ai peur de moi.

J’ai peur de me retrouver seul le soir avec mes idées, mes dettes, ma crise de coeur imminente, ma solitude omniprésente. J’ai peur de dire à celle que j’aime que je ne suis pas celui qu’elle croit. Qu’au fond de mon coeur, il y a un enfant sur le point de se noyer et que je le regarde couler sans oser me mouiller pour le sauver. J’ai peur de dire à ma mère et à mon père que malgré tous leurs efforts, je ne suis pas encore celui que je devrais être. J’ai peur de dire à mes soeurs que je suis tellement, mais tellement fier d’elles, parce qu’elles marchent à des kilomètres de bonheur devant moi.

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Moi, je suis ailleurs, quelque part derrière, perdu dans mes bottes noires trouées.

Perdu dans les méandres d’une ruelle cervicale sans fin, dans le labyrinthe de mes idées. Je vois la lumière au loin, mais la noirceur est tellement séduisante, elle me donne constamment envie de flancher.

Pourtant, je ne le fais pas. Ou en tout cas, je m’accroche déjà un peu mieux. Je reste debout. L’autre nuit, je me suis endormi sans l’aide de rien. La nuit suivante, même chose. J’ai répété l’expérience pendant une semaine complète. Et je me suis soudain senti bien dans les bras de celle que j’aime. J’ai senti que j’avais le pouvoir de changer, le droit d’avancer. Même si c’est tranquillement.

 

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J’ai peur et c’est normal.

J’ai trente ans, le temps s’accélère irréversiblement. On nous pousse à choisir vite ; on nous pousse à être quelqu’un tout de suite et ne jamais en déroger. Je ne suis pas encore cette personne, mais j’y arrive, je le sais. Comme dans Le Lièvre et la Tortue.

Je suis une tortue. Et les histoires qui bordaient mes nuits d’enfant m’ont appris que la tortue gagne toujours à la fin.

Il suffit de mettre un pied devant l’autre.

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