Voir la vieillesse sous un autre angle
Un monde sans elle
La productivité nous assaille et le moment présent nous échappe. Notre besoin d’écoute, d’une présence emphatique à nos côtés, engendre le remplissage croissant et constant des poches de psychologues. Les relations réelles s’effacent au profit du mobile, le stress chronique s’immisce progressivement dans notre système nerveux et cela, au grand plaisir des massothérapeutes. Pourtant, le calme, cette denrée rare, s’associe aisément avec une Gertrude ou une Thérèse.
Maintenant
Imaginez une jaquette mauve se berçant au son d’une musique qui jaillit de la tranquillité. Pensez à une jolie tête blanche regardant vers l’extérieur, avec comme seule mesure temporelle, les mouvements de l’instant. Réfléchissez à un environnement complètement déconnecté, en dehors des notifications, et pratiquement rejeté de toute productivité. Poursuivez en cogitant sur les propos d’une discussion simpliste et rassurante, remplie de bienveillance, en dehors de la compétitivité et orientée sur des histoires qui précèdent votre personne ainsi que votre fil d’actualité Facebook. Ce monde existe, il est seulement hissé plus haut dans votre arbre généalogique.
Révélation-choc
La tête blanche se berçant dans un flottement de jaquette mauve, vous l’aurez possiblement devinée, c’est ma grand-mère qui l’incarne. Aujourd’hui, je ressens le besoin d’avouer que je suis un sale profiteur; eh oui, vous avez bien lu. Je me tourne constamment vers elle pour bénéficier, en toute impunité, de son calme et sa respiration profonde, profondément contagieuse. Je m’imprègne de son rythme de vie aux antipodes du nôtre, du mien. Je tends l’oreille pour capter sa consistance verbale, colorée de 84 années. Elle se positionne ailleurs, ma grand-mère, si loin et si près à la fois. Avec elle, je voyage dans un passé allègrement répété, mais ô combien mélodieux, telle une comptine au pouvoir du mantra. La vie ralentit à ses côtés, elle a le pouvoir de décélérer mes idées continues d’angoissé et elle freine mes ambitions qui déferlent systématiquement vers le «toujours trop» et le «jamais assez».
Si la vieillesse vous inquiète, je suggère de l’apprivoiser. Si vous avez besoin de repos, la vieillesse, elle, a besoin de compagnie. Faites une petite saucette dans cet univers aux allures décalés et si jamais l’eau est froide, restez-y un peu. Avec le temps, si vous êtes comme moi, vous goûterez au plaisir de respirer l’air du présent et de baigner dans une eau familièrement différente.
Cette condition est également notre futur, alors pourquoi ne pas en connaître les ressortissants…