Parce que la vie continue.
On nous parle souvent de prendre le temps de s’arrêter pendant et après une épreuve. Prendre le temps de respirer, de ne rien faire. De juste exister un peu le temps que la tempête passe. Le scénario parfait quoi. Sauf qu’on a malheureusement tous 4 cours minimum par session, un job à temps partiel, une pelletée de lavage à plier pis, des fois, des amitiés à entretenir. C’est comme si ça se plaçait nulle part à l’agenda, le mal de vivre. « Prends le temps pour toi », qu’on se fait dire. Le concept de temps pour soi, en 2014, référant à juste reporter le jus à une date ultérieure, avec promesse d’intérêts.
Je me souviens avoir balancé lors d’une réunion entre 2 cours que j’avais une tumeur. Tumeur comme dans cancer. J’avais pitché ça à des comparses de classe en mangeant d’une main pis en écrivant la date d’un rendez-vous de l’autre. Comme si ce que je vivais s’apparentait à aller acheter du lait en sortant de la job. Comme vous pouvez l’imaginer, s’en suivit une stupéfaction qui m’a moi-même rendue pas super à l’aise. J’ai comme réalisé ce que je venais de dire. J’étais pas en train de mourir faque j’avais pas le temps de le prendre autrement. Pourtant c’était comme ça dans ma tête 24/7. J’ai pas le temps d’avoir ni de la peine, ni d’être fatiguée pis de trouver que la vie, c’est un peu de la marde. J’ai pas le temps de me mettre en petite boule 2-3 jours pis de me réveiller quand septembre sera passé. Faut pas que les lectures non faites s’accumulent au même rythme que les poils de chats sur le divan, comprends-tu?
Parce que la vie continue. Parce qu’on vit chacune de nos journées comme si y’avait clairement un lendemain, comme si on était invincible. Comme si c’était pas nécessaire de prendre une puff de la vie de temps en temps ou de peser sur pause un petit peu parce que le travail qu’on va remettre à la dernière minute nous en donne pas l’occasion. En étant trop occupé à faire avancer la vie, on ne la vit plus trop pis au fond on se dit que c’est correct parce que les autres ont pas plus arrêté pendant leur mononucléose. On s’est embarqué dans une espèce de cercle vicieux où atteindre le burn-out est devenu nécessaire pour signaler qu’on travaille assez fort, mais qui faut pas trop le montrer qu’on a atteint nos limites. Pis quand t’es étudiant, ta banque de journées de maladie se trouve quelque part entre « prends tes deux journées de vacances que t’as pas pris encore pour étudier » et « ouin bien… » Quand envisager d’appeler l’école de la salle d’urgence pour leur demander un report d’examen te traverse l’esprit, c’est là que tu sais que le cercle vicieux t’est pas forcément favorable. « Je vais me reposer quand je vais être mort », que tu te dis. Tu te sens lâche et un peu coupable de retourner te coucher en après-midi quand y’a tellement à faire et si peu de temps.
Viendra le jour où s’arrêter deviendra une question de survie et où nos capacités à tolérer l’inconfort seront anéanties à zéro. Viendra le jour où la culpabilité laissera place à une absence d’orgueil. On cessera de se considérer machines vivantes et on acceptera d’être simplement humains.
Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané
Tu veux que ton texte soit publié sur lesnerds.ca? Voici comment:
Soumettre un texte spontané
