#2poutinesdansleseuropes : voyager pour mieux apprécier

Par Nerds – le 12 décembre, 2014 dans Où partir, Voyage

Journal d’Élo…

Nous étions assises aux côtés de deux vieilles dames allemandes de 87 ans qui semblaient intriguées par nos gros sacs et notre langue (encore une fois). Nous savions leur âge, car l’une d’entre elles avait appris l’anglais à l’école à l’âge de 6 ans et son envie de le pratiquer auprès de nous était visiblement prenante. Dès qu’elles ont su que nous étions du Canada, leur visage a changé du tout au tout! Nous pouvions sentir du respect et de l’admiration dans leur regard, et ce bien même avant qu’elles nous offrent des « félicitations » !

C’était un peu déstabilisant. Que répondre à des félicitations, dans ce contexte?

On a souri, comme on sait si bien le faire en cas d’incompréhension, ou de malaise. De toute manière, la discussion ne pourrait pas durer bien longtemps, car la barrière de langue nous l’empêchait. Je savais que Sam pensait à la même chose que moi en ce moment. Qu’elle aussi se demandait quel âge avait donc ses femmes quand le régime totalitaire nazi avait pris fin en 1945? Sam m’avait vue calculer sur mon cellulaire: 18 ans c’est l’âge qu’elles avaient lorsque le régime d’Hitler tomba. Je mentirais si je vous disais que l’envie de les questionner était inexistante. En fait, elle était brûlante. Par respect d’abord, mais pour mille autres raisons aussi, jamais Sam et moi n’aurions osé les interroger sur ça. J’avais auparavant essayé d’entamer une discussion à ce sujet avec notre ami allemand, et j’avais compris à quel point c’était de la soupe chaude! Seulement, plus nous en apprenions sur leur passé récent, plus les questions nous inondaient!

C’est bête parfois la curiosité parce que quand bien même elle vous force à pousser votre savoir, elle ne tarde pas à vous faire sentir le plus niais. Comme si le fait d’en connaître davantage, vous fait réaliser l’amplitude des choses que vous ne connaissez pas encore.

Sam m’avait appris que, pendant La Seconde Guerre mondiale, les effets personnels des personnes gazées étaient confisqués et triés dans endroit qu’ils avaient nommé « canada », en vue de leur renvoi en Allemagne. C’était appelé de la sorte, car à l’époque, le Canada devait être reconnu comme un pays de grandes richesses…

Bref, c’était ce qui m’avait traversé l’esprit en quelques minutes, et malgré les frissons qui me parcouraient le corps à penser à ça, j’avais comme un sentiment d’ataraxie (de sérénité – inculque) qui m’envahissait soudainement. Je pensais à mon pays, mon Québec, mais aussi à ma jeunesse. Parce que ces dames de 87 ans, je me demandais si elles, elles en avaient eu une, jeunesse? Est-ce qu’on arrive à se libérer d’une jeunesse où le voisin était une méfiance, le partage une nuisance et le climat une terreur?

Il y a une citation de George Moore qui dit qu’on voyage autour du monde à la recherche de quelque chose et qu’on retourne chez soi pour la trouver. Je la trouve belle, mais surtout vraie. Je pense à mes voisins gaspésiens qui me jasent toujours trop longtemps avant que je rentre chez moi, et je souris, parce qu’au fond, peut-être que je m’en ennuie.