La douceur des versions brouillon

Par Nerds – le 17 novembre, 2014 dans Bien-être, Santé, Sexe

La vitesse est devenue le critère premier des relations; on s’enfourche sans même savoir nos noms, on swipe à droite les pas pires étalons qui ont l’air pas trop colons pis on veut un forfait encore plus rapide que le plus rapide des rapides qui existent chez Vidéotron.

C’est à croire que l’époque des brouillons est révolue pour de bon.

On s’hypothèque la version au propre parce qu’on vient de la gang des j’veux-ça-t’suite. Parce que Simba lui, quand son père se fait cruellement dropper en bas d’une falaise par son propre frangin, y’avait pu de peine une demi-heure plus tard. Hakuna Matata, ça veut dire pas de soucis. Ça veut dire des amis. Un wannabe chien de prairie de l’Afrique avec un sanglier puant qui te remontent le moral, faut se l’avouer, c’est pratique sur un pas pire temps. Mais j’ai entendu dire que l’offre par rapport à la demande côté prise en charge de deuil par des animaux de la savane, c’est relativement inexistant.

On est des j’veux-ça-t’suite parce que si on peut se faire livrer une patente à gosse en provenance de Tombouctou en 2 jours, pourquoi ne pas s’acheter un condo à 200 000$ dans HoMa avant même d’avoir gradué du Cégep. La marelle dans la cour d’école doit dorénavant se donner en exclusivité sur toutes bonnes tablettes numériques parce que eille, faut faire la file pour jouer.

C’est en regardant aller ma p’tite Mémé confinée à son fauteuil roulant pour les années qui lui coulent au travers du sablier que j’ai pogné mon air d’aller. À 25 ans mariée, l’amour travaillé pendant une couple d’années pour renforcer des liens qui sont continuellement à tisser. Une p’tite Mémé qui a trimé dur son porte-feuille de mini-femme, qui a essayé de s’émanciper au même moment que ses modèles se garochaient dans les rues pour contrer des absences de droits injustifiés.

L’affaire c’est que cette grand-maman pouding d’amour-là avait pas le choix grimper les marches de sa vie en jouant un peu le rôle de la tortue dans la fable à Ti-Jean de la Fontaine. C’est un peu comme s’il fallait qu’on réalise que les âges se traversent pas à vitesse grand V comme la réponse texto d’une fille à son homme; ça prend encore plus de temps qu’une connexion-internet-symphonie-techno qui bloque tout lien humain sur un des quelconques téléphones de chez tes vieux. Ça y allait sur un temps où t’avais encore le temps de prendre le temps. Ça prenait le temps de laisser passer les choses, avec aucune amertume. C’était pas grave d’attendre une lettre qui arrivait pas dans un minutage plus rapide que Usain Bolt.

C’était doux et patient.

On troque l’instant présent pour un présent instantané.

À force de vieillir et de pogner des tranches de jours, à force de trouver qu’il me manque d’heures pour faire des travaux en 4 mois, à force de m’énarver le poil des jambes à chaque fois que je pogne une année de plus, je me dis qu’il serait peut-être temps de se décapsuler de notre bulle aseptisée. De retirer les gants blancs, les maudites envies d’avoir un char de l’année à 17 ans, de se tirer dans bouette pis de se lousser les bobettes. Laisser le temps au temps, de se glisser dans nos compartiments d’adultes pis de laisser le vent décider où c’est que va se placer ta girouette. Lâcher d’entreprendre la version finale avec un crayon à l’encre qui s’encrasse de liquid paper pis de s’en tenir à la douceur d’une première version brouillon.

Y’a rien qui presse quand tu bâtis le frame de ta vie pour de bon.