Mon petit cégep de région
En cette semaine de rentrée scolaire, semaine où les corridors puent l’initiation et les kits de rentrée trop chauds pour nos 30 degrés habituels du début septembre, je ne peux m’empêcher de penser à ma première rentrée postsecondaire, dans mon cégep de 77 étudiants.
T’as bien lu, 77. Pis ça, c’était en comptant les joueurs de hockey pis l’année sur 3 qu’ils repartaient le cours de nursing, parce qu’autrement, on n’était pas assez pour se faire un décent 5 à 7.
Pendant près de 4 ans, j’ai pris mes pauses avec mes profs pendant que mes amis plus chanceux (c’est-à-dire ceux dont le programme n’était pas dispensé dans ma ville) allaient au cégep dans la grand’ville pis découvraient les événements dollarabrosse. Pour nous, dans notre petit cégep de région, un événement, c’était les fois où fallait faire 1h30 de bus pour aller utiliser les laboratoires d’autres écoles parce qu’on n’avait pas de place dans notre école primaire convertie.
Pis faut pas oublier la seule machine distributrice qui jammait une fois sur 2 pis qui nous a tous volé au moins 5$ au lieu de nous donner notre kit kat de l’après-midi. Un stationnement? Lol, une belle filée de chars dans la rue oui. Mon petit cégep qui nous donnait le choix entre volleyball pis badminton comme cours d’éduc et t’avais tous tes philos donnés par le beau Martin, tout frais sorti de l’université.
Pis c’était ça aussi. Des profs qui se tapaient la route pis qui couchaient dans des hôtels pas super beaux ni fonctionnels, beau temps comme déluge, pour venir enseigner à une poignée (c’est-à-dire 8, des fois 13) étudiants pas toujours motivés ni réveillés. Juste parce que le collège leur avait fait la mauvaise joke de les envoyer à leur ptite succursale de région pour débuter leur carrière.
Des profs qui devaient dire à leur famille que oui, ils ne seraient pas toujours de retour le soir pour que la poignée d’étudiants puisse bénéficier de leur savoir le lendemain matin. Pis nous, ben, on avait des profs de 24 ans, motivés et heureux d’être là. Des classes inspirantes et des discussions qui allaient pas mal plus loin que le programme original du cégep. Des fous rires et des talents qui naissent, dans une région où être différents est pas toujours au menu.
Non, je n’ai pas pu bénéficier des bières sur la terrasse d’un pub après mes cours. Mais j’ai eu une classe verte sur le bord de la piscine municipale. J’ai eu des bières philosophiques où on réinventait le monde à 18 ans. J’ai eu une enseignante qui, maintenant candidate fédérale, nous poussait à marcher dans les rues, à la découverte de la pauvreté et des réalités qui dépassaient notre ouate quotidienne. J’ai aussi eu un prof de français qui, au travers de nos 3 sessions ensemble, m’a dit une fois que j’étais douée pour l’écriture et que ça n’avait rien de gênant même si toute ma vie on m’en parlait pas trop de ma créativité, même qu’on ne m’enseignait pas à l’exploiter. Je pense aussi à Jocelyne, adjointe-à-un-peu-toute qui nous appelaient tous par notre prénom, pas notre numéro sur omnivox. Ils avaient le temps de nous pousser à devenir de bonnes personnes, ouvertes sur le monde et prêtes aussi à l’affronter. Mon petit cégep m’a aidée à devenir une grande personne, dans la grande université.
Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané
Tu veux que ton texte soit publié sur lesnerds.ca? Voici comment:
Soumettre un texte spontané